En 1906, Santos-Dumont construit un aéroplane, composé de six cellules de cerf-volant type Hargrave, en bambous et roseau tendu de soie, disposées trois par trois, formant ainsi les deux ailes, l’envergure étant de 12 mètres. Elles sont fixées à un longeron en bois. La nacelle en osier est
placée près du moteur. Le gouvernail est constitué par une simple cloison .

L'ancienne hélice en bois tendu de soie est remplacée par une hélice en aluminium. Le « 14 bis » pèse alors 160 Kg.

Pour tester les manoeuvres ce nouvel appareil, Santos Dumont effectue les premiers vols, accroché sous son dirigeable n°14 (d’où le nom de 14bis). Les gouvernes de ces appareils sont à l’avant (avion de type « canard »).

Le 12 novembre 1906, sur la pelouse de Bagatelle, toute poudrée de gelée blanche dans une matinée radieuse mais froide, Santos Dumont réussi le premier vol homologué d'un avion au monde.
 
Dimanche 5 novembre 2006, nous sommes sur les pelouses de Bagatelle. Il est 10h00 et il fait froid. Il est là devant nous… Le 14 bis, ou du moins sa réplique, à l’endroit même ou Santos-Dumont effectuait le premier vol homologué d’un « plus lourd que l’air ». Une foule de passionnés vient rendre hommage au pilote et célébrer le centenaire de cet exploit.
 
 
C’est Monsieur Danilo Flores Fuchs (ancien colonel de la Force Aérienne Brésilienne et Commandant de Bord de la TAM) qui a construit cette réplique au Brésil, identique à l’original à l’exception du moteur (en 1906, moteur Antoinette de 50 CV). Cette construction a été possible grâce au soutien de Embraer (Empresa Brasileira de Aeronautica) qui est un constructeur aéronautique brésilien, spécialisé dans les avions civils de petite et de moyenne taille. Démonté, mis en caisses, le 14bis a pris l’avion pour venir jusqu’au Bourget.
 
     
Les ailes ont été remontées sur place et transportées en convoi exceptionnel (trois semi-remorques) jusqu’aux pelouses de Bagatelle dès le 3 novembre. Il a été remonté et stocké sur place.

Nous nous approchons de l’appareil, nous pouvons le toucher, observer sa fabrication. Nous pouvons même avoir des explications de Monsieur Danilo Flores Fuchs. C’est un personnage qui ne laisse pas indifférent !!

Près du 14bis, il y a aussi l’Ambassadeur du Brésil, Mme Vera Pedrosa Martins de Almeidades, des officiers supérieurs de l’armée brésilienne, Mr Jean-François Georges, Président de l’Aéro-club de France, plusieurs membres de l’aéro-club de France ainsi que Mr Igor Bogdanoff.

Nous retrouvons avec plaisir Mr Audouin Dollfus (astronome, détenteur de plusieurs records mondiaux en ballon, en savoir plus sur A. Dollfus) .

Au rendez-vous aussi, quelques cerfs-volisites, Maxime Rousselle, Christophe Lascève, Bruno Kozon...
 

C'est Bernard Chabbert qui commente cet événement. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c'est une journaliste aéronautique, commentateur de meetings internationaux comme la Ferté Alais et le Salon du Bourget. Ce propriétaire d'avions de collection avait aussi lancé une émission sur France 3 : PEGASE

Une annonce micro nous invite à nous diriger vers le monument « Santos Dumont » pour le dépôt d’une gerbe. Puis nous regagnons les tribunes pour laisser la place à l’événement.

Comme il y a encore beaucoup d’humidité sur les ailes du 14bis, on tourne ses deux grandes ailes vers le soleil, pour le sécher un peu, retendre les toiles qui tiennent sur les longerons par des velcros ( !)

   
11h30. On entend le vrombissement du moteur. Silence dans les tribunes. Le 14bis commence à rouler, tonnerre d’applaudissements dans les tribunes. Il prend de la vitesse. On retient notre souffle, il va s’élever …. Mais l’aile droite en a décidé autrement, elle se vrille, part vers l’arrière. On entend un craquement de bois, puis plus un bruit, le moteur est coupé, la foule retient son souffle. Et là, sans vraiment y croire, on sait pourtant que c’est fini.
     
     

Nous nous précipitons vers l’appareil, Fuchs n’a rien, c’est le principal, le 14 bis sera réparable, c’est bien.

Et le même sentiment étrange nous envahit tous, on ne ressent pas vraiment de la déception. Cet essai renforce simplement l’exploit de Santos Dumont. Il y a beaucoup d’émotion autour de cet appareil brisé.

Le directeur de vol, Mr Pierre-Alain Antoine a déclaré « Cela c’est passé comme il y a cent ans. Santos Dumont n'a pas réussi son vol du premier coup. C'est ça, l'aviation !"

En effet, Santos-Dumont, lui non plus, n’avait pas réussi son vol du premier coup. Le 22 septembre, après avoir roulé sur

     
200m environ, il avait commencé à s’élever, mais le 14bis s’était écrasé : l’arbre de l'hélice et le radiateur  faussés ; ni les ailes, ni le moteur n’avaient souffert et surtout, Santos-Dumont, descendant de sa nacelle avec un admirable sang-froid, était indemne. Une longue ovation salua son succès et son courage.

En courant vers l’appareil, les photos de la foule de 1906 me reviennent en mémoire. Pendant un instant je ne sais plus si je suis en 1906 ou 2006. Est-ce que je me dirige vers Fuchs ou Santos-Dumont ?

Etranges sentiments d’être dans des mondes parallèles. Etat d’âme qui me poursuivra tout l’après-midi sans pouvoir expliquer pourquoi.
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Il y a quelques débris d'hélice un peu partout sur le sol que la foule ramasse en souvenir. En 1906, c'était des morceaux du 14bis que la foule avait récupérés !

Autour du 14bis, nous essayons de comprendre pourquoi. Chacun décrit ce qu’il a vu, nous nous repassons le « film » de l'envol des dizaines de fois. D’après Fuchs, c’est peut-être dû au froid et à l’humidité : On avait effectivement remarqué que la toile n’était pas tendue au maximum. Le longeron a cédé, l’aile en se repliant a  percuté l’hélice. L’arbre de transmission est tordu.

Fuchs me raconte comment cet appareil a réussi 5 vols au Brésil. Mais il avait aussi déclaré à l'AFP, quelques minutes avant son vol :  "Il faut être plus fou qu'intelligent pour voler là-dessus. Il faut compter avec tous les saints du ciel et Dieu".

Nous resterons quelques uns, dont Maxime, pour aider à démonter et replier l’appareil, et ramené le 14bis, amputé de l'aile droite, vers le hangar. Il repartira dans quelques jours au Brésil.

14h30
. Nous quittons le terrain, et nous apercevons que nous en avons oublié de déjeuner !

Je retiens une leçon : Echouer ce n'est pas rater quelque chose, c'est ne pas essayer de le faire.
 
Des vidéos de la tentative de vol du 14bis en bas de page
 
16h30. Direction le Théâtre de Neuilly (92) pour voir l’exposition qui retrace les débuts de l’aviation avec des panneaux sur les réalisations, notamment les dirigeables, de Santos Dumont.

Une magnifique réplique de la Demoiselle et un des premiers Blériot, beaucoup plus lourd. Une vidéo sur les débuts de l’aviation, des frères Wright à la traversée de Blériot.

Il y a aussi une présentation de moteurs d'avions d'époque confiés par le musée du Groupe SAFRAN, un simulateur de vols pour s’entraîner à piloter « la Demoiselle ».  Mais Patrick préfère s’essayer aux vols plus modernes et très réalistes de la société European Flight Simulations Compagny (EFSC).
     
18h00. Un autre rendez-vous nous attend. Une autre réplique du 14 bis, prêtée par le Musée de l’Air et de l’Espace du Bourget, face au théâtre et dans l’axe de l’Arc de Triomphe et de l’Arche de la Défense. Cette réplique est vraiment superbe, les toiles bien tendue, un moteur qui semble d’époque. L’éclairage lui donne encore plus de prestance.

     
Lundi 6 novembre. Un contretemps nous empêche d’assister au vernissage de la deuxième exposition, à la mairie du 16°. D’après Maxime, qui a exposé en vedette sa réplique de la Demoiselle, Monsieur le maire, Pierre-Christian Taittinger a fait un très beau discours en hommage aux pionniers de l'aviation. (photo de Maxime devant sa Demoiselle par Dominique Cottard)

Travaillant à Neuilly, j’ai la chance de pouvoir aller voir la réplique du14bis tous les midis et je ne m’en lasse pas.  Aurait-elle volée ?
 
 
Vidéo Patrick Mouchague - Aerohistory
Vidéo France 3