Peu après leur invention, en 1783, les ballons sont utilisés par les armées révolutionnaires pour faire de l’observation. Diverses organisations militaires sont mises en place pour l’emploi ou la fabrication de ce nouveau moyen. Octobre 1793, le Comité de Salut Public, convaincu de l’intérêt des ballons d’observation, ordonne la construction d’un ballon neuf «aisément utilisable en campagne et capable d’emporter deux observateurs».
 
Un groupe des meilleurs savants de l’époque est chargé de diriger ces travaux dans l’ancien domaine royal de Meudon, transformé, pour l’occasion, en camp retranché. Le physicien Coutelle doit procéder à cette fabrication et appelle auprès de lui Nicolas Jacques Conté, autre physicien et artiste. Ce dernier est désigné pour prendre la direction des opérations au Château de Meudon, qui devient ainsi un centre destiné à la fabrication d’aérostats et de formation de pilote.

En quatre mois, le premier aérostat militaire, l’Entreprenant, est construit. (enveloppe de soie recouverte d’un vernis, d’une capacité de 523 m3, nacelle pour emporter deux officiers). Conté a laissé le témoignage des différentes phases de la construction de ce ballon dans un album aux magnifiques aquarelles.(photo de droite)

   
Le 2 avril 1794, la première compagnie d’aérostier est créée par le Comité de Salut Public et placée sous le commandement de Coutelle. Devant les succès remportés lors des ascensions, une deuxième compagnie voit le jour le 23 juin de la même année. L'Entreprenant réussit le tour de force pour cette époque, d’être déplacé pendant plus d'un mois à bras d'hommes. Conté s'occupe du matériel et Coutelle effectue 25 ascensions.
 
Après le siège de Maubeuge et de Charleroi, où l'Entreprenant n'a pas cessé d'ascensionner, le député Guyton de Morveau écrit au Comité de Salut Public le soir de la bataille de Fleurus (26 juin 1794) (photo de gauche) :

« Je vous envoie, Citoyen collègue, l'arrêté que j'ai pris pour augmenter la Compagnie d'Aérostiers. J'espère que vous approuverez cette mesure qui prépare des sujets pour former une nouvelle compagnie, vu l'opinion que l'on commence à prendre dans les armées, de l'importance de cette machine de guerre. J'ai eu la satisfaction d'y voir des généraux en apprécier l'usage au point d'y monter eux-mêmes pour observer. »

Afin d’instruire rapidement les hommes nécessaires au service de ces nouveaux aérostats, le Comité de Salut Public prévoit leur formation. Le 31 octobre 1794, l’Ecole Nationale d’Aérostation, sous la direction de Nicolas Conté, est établie à Meudon. La construction de ballons d’observation y est poursuivie : après l’Entreprenant, il y a le Vétéran, le Précurseur, le Svelte, le Télémaque, l’Hercule, l’Intrépide, tous sont des ballons sphériques de plus de 10 mètres de diamètre.

En 1798, sur l’insistance de Conté et Coutelle, le général Bonaparte envoie une compagnie d’aérostiers en Egypte. Hélas, le vaisseau « le Patriote » s’échoue dans le port d’Alexandrie. Le matériel est retiré, mais le fer nécessaire à la production d'hydrogène est rendu inutilisable par la rouille. Au retour de campagne, les deux compagnies sont définitivement supprimées le 28 janvier 1799.
     
En effet, Napoléon ne retient pas cette innovation, en raison de sa mobilité réduite, incompatible avec le rythme avec lequel il mène ses opérations. Son refus de s'intéresser aux ballons captifs est aussi dû à la difficulté de fabriquer de l'hydrogène dans une armée extrêmement mobile. Il faut en effet construire un four en maçonnerie, le laisser sécher, puis commencer la réaction de la vapeur d'eau sur la limaille ou de la tournure de fer.
   
La Guerre de 1870 et le siège de Paris remettent l’aérostation à l’honneur. Des ballons libres sont utilisés pour assurer les communications entre Paris assiégé et la province. Gambetta, qui a apprécié les ballons lors de sa fuite de Paris, crée une commission des «communications aériennes» et le Colonel Renard y est affecté et chargé de l’aérostation militaire.

Il installe tout naturellement son centre de recherche à Chalais-Meudon (photo de droite).

En 1877, il devient directeur de cet établissement avec comme objectif la création d’un corps d’aérostiers. L’ensemble du matériel aérostatique militaire français y est conçu, réalisé et expérimenté, et les hommes formés à son utilisation.
D'importants ateliers de construction y sont aménagés. On y étudie les ballons captifs et les ballons libres, et on sait maintenant préparer rapidement l'hydrogène, construire des enveloppes de soie vernie assez imperméables pour conserver le gaz pendant plusieurs mois.

     
Conçu en 1884, le Ballon de type « E » est un ballon sphérique de 750 m3. Il est fabriqué avec une enveloppe en soie rendue imperméable. A sa base un tuyau en étoffe pour le gonflement et sur sa partie supérieure une soupape. Il permet l’observation pour deux aérostiers à 800 m d’altitude.
     
Ce ballon est très robuste et bien étudié, mais d'une manoeuvre lente et d'une mauvaise tenue au vent, rendant l’observation et le réglage de tirs à peu près impossible dès que le vent dépasse 6 à 7 m/sec (environ 30Km/h).

Etudié pour l'usage des places fortes, ce matériel est dépourvu de toute mobilité :
- Sa longue suspension trapézoïdale le maintient pendant le transport à un niveau le laissant en pleine vue de l'ennemi.
- Le treuil à vapeur pour les manoeuvres (photo de droite), sur lequel il est attelé, est chauffé au charbon et traîné par huit chevaux, ce qui ne permet pas de profiter instantanément de toute condition favorable et peut être la cause d'incendie. Ce treuil à vapeur, appelé la « bouillotte ».

Un décret du 19 mai 1886 organise définitivement les services de l'aérostation militaire et les place sous la direction de l'état-major général :

« Art. 2. L'établissement actuel de Chalais prend le titre d' «Etablissement central d'aéro-station militaire» ; il comprend un atelier d'études et d'expériences, un arsenal spécial de construction et une école d'instruction. Un personnel spécial lui est attaché. »
     
« Art. 3. Des parcs aérostatiques sont installés dans chacune des écoles régimentaires du génie et dans certaines places déterminées par le ministre de la Guerre ; une compagnie de chacun des 4 régiments du génie est affectée au service de l'aérostation militaire. »
     
Chaque parc aérostatique compte dix ou douze voitures (voiture treuil, voiture de gonflement, voiture de télégraphie, voiture de gaz comprimé, voiture atelier) capables de fournir le gaz de gonflement du ou des ballons, de transporter la troupe, le ballon lui-même (enveloppe, filets, nacelle, instruments), les équipements militaires embarqués (fanions de télégraphie sans fil, observation, armes, divers câbles et équipements des aérostiers) et les installations techniques au sol.

Une voiture-fourgon transporte l’eau (1 000 litres) et le charbon (350 kg) nécessaires à la chaudière du treuil, pour une journée entière de manoeuvre.

Les parcs de places fortes sont au nombre de quatre, affectés à : Verdun, Epinal, Toul et Belfort. Ces 4 Compagnies sont réunies à Versailles en 1900 et forment le 25ème Bataillon du génie, commandé par Auguste-Edouard Hirschauer.
       
En 1897, Von Parseval, un capitaine allemand, met au point un aérostat cylindrique : le « Drachen » (ballon-cerf-volant), qui remplace les ballons sphériques instables. Sa tenue au vent est obtenue par une corde traînant l’arrière, portant des godets en toile. Dès 1911, les Compagnies d'aérostiers de campagne sont supprimées car leur matériel est inadapté à une guerre de mouvement. Les troupes passent au service des dirigeables.

En 1913, le matériel des parcs d'aérostation de Place n’est plus remplacé. Le ballon captif est donc destiné à disparaître. Seules les quatre places fortes de l'Est comptent encore des aérostiers parmi leurs troupes de défense (Verdun Toul Epinal et Belfort).

1912, mise en service d'un certain nombre de dirigeables, la loi du 29 mars 1912 crée des unités d'aviation. Par arrêté ministériel du 28 novembre 1913, les troupes et services d'aviation et aérostation, sont autonomes.

Quelques semaines avant la déclaration de la première guerre mondiale, certains parlementaires français imposent à notre armée, outre le maintien du pantalon rouge dans l'infanterie, mais également la suppression des bataillons d'aérostation. L'aérostation, alors, est presque uniquement orientée vers le dirigeable.

Le général Hirschauer comprend la faute qui vient d'être commise. Il réussit à conserver les 5 derniers ballons qui vont rapidement faire rebondir l'intérêt de l'aérostation.
     
C'est avec ce matériel que les Aérostiers commencent la guerre de 1914