L'équipe des arrimeurs, à droite l'adjudant Belisle, au milieu debout le tailleur Derouet, tous deux tués en
1918 à Reims

Au premier jour de la mobilisation, les compagnies de Place sont structurées et organisées, mais elles ne doivent pas s'éloigner des camps retranchés auxquels elles sont affectées. Le ballon captif réglementaire est le ballon sphérique type E de 750 m3. Il est instable par grand vent et son treuil à vapeur hippomobile le rend repérable par l’ennemi.

Ainsi, les armées de campagne sont dépourvues de ballons captifs alors que les Drachen allemands ascensionnent déjà depuis août 1914.

Parmi les aérostiers "retenus" dans les places fortes de l’Est, il y a le Capitaine Saconney à Epinal. Il obtient l'autorisation de travailler pour la 1ère Armée en organisant une section automobile d'Aérostiers. Il utilise le ballon sphérique des anciennes compagnies de campagne (modèle 1876 !), le treuil automobile pour la manoeuvre de ses trains de cerfs-volants, des camions et des autobus pour le personnel, ce qui lui permet de parcourir chaque jour 20 à 40 kilomètres autour de son lieu d’affectation.

Mais il est obligé de rentrer tous les soirs à Epinal avec son équipe, sans quoi ils auraient peut-être été considérés comme déserteurs. Saconney est non seulement l'organisateur, mais aussi le seul observateur. Par vent supérieur à 10 mètres seconde, il utilise un train de cerfs-volants pour effectuer ses observations.
   
Le 28 août 1914, Saconney s'installe sur la Mortagne (40 Km d'Epinal). Avec son équipage, il parcourt le front de l'Est pendant 14 jours, se relie par téléphone avec les premiers canons lourds, règle les tirs, repère des batteries ennemies, signale des mouvements de troupes, surveille les convois sur les routes. Ses observations sont transmises par des relais de coureurs, puis des liaisons téléphoniques sont établies.

Des batteries d'artillerie de campagne sont prises sous des tirs réglés par le ballon. Les excellents résultats sont de plus en plus connus. Les armées de l'Est réclament elles aussi le concours des aérostiers.

Ainsi, pendant la première quinzaine de septembre, 8 autres ballons sont aussi autorisés à s’éloigner des places fortes. Ce sont les premiers ballonniers de la guerre. A cette date, la section d'aérostation du Capitaine Saconney est officiellement constituée en Compagnie d'aérostiers de campagne sous le nom de 30ème Compagnie.

Toutes les armées demandent des ballons captifs au G.Q.G. Ce dernier réagit en donnant l'ordre à l'aéronautique de procéder au plus vite à l'organisation de nouvelles compagnies d'aérostiers de campagne.

Du 28 septembre au 1er décembre 1914, dix compagnies furent formées (de la 30ème à la 39ème)
   
Mais il apparaît bien vite que les ballons ennemis (Drachen) tiennent mieux l’air que les ballons français.

Ballon de type H

Un ballon d’observation comprend des panneaux en étoffe (toile de soie simple ou toile de lin double caoutchoutée) assemblés par couture et recouverts d’un filet. Une nacelle en osier est fixée au filet. Elle emportera les observateurs et les divers instruments nécessaires à l’observation.

Dès le mois d’octobre 1914, le capitaine Lenoir élabore grâce à des photographies, une copie Française du ballon allemand : le « Drachen » qui peut tenir en l’air même lorsque la vitesse du vent atteint 14m/s.

Cette copie réalisée dans les établissements de Chalais-Meudon se révèle très supérieure au ballon sphérique de type E. Le premier exemplaire reçoit son baptême du feu en décembre 1914.

Caractéristique :
830m3
Force ascensionnelle : hydrogène et force du vent sur ses surface obliques. Stabilité : un gouvernail à l’arrière du ballon et une queue (câble sur lequel il y a 6 godets coniques) qui assure la traction sur l’arrière de la carène.

Dès le début de la guerre, les treuils à vapeur sont remplacés par des treuils automobiles Delahaye ou Caquot, plus rapide pour ramener le câble et plus discret sur le champ de bataille.
     
Ballon de type L

« L’aérostation captive était en 1914 le parent pauvre, toute l’activité étant consacré aux dirigeables. Deux officiers actifs, sensiblement de mon âge, mais entrés dans ce domaine quelques années plus tard, les capitaines Lenoir et Letourneur dirigeaient les études de dirigeables en construction, dont ils étaient les initiateurs. » A. Caquot

Le capitaine Caquot est au commandement de la compagnie d'aérostiers de Toul, qui comprend 3 ballons captifs. Il se rend compte des défectuosités du matériel aérostatique français et la supériorité des « drachens » allemands.

Il avait déjà apporté des améliorations aux ballons sphériques et étudiait depuis plusieurs mois la solution d'un matériel stable, de
conception entièrement nouvelle parce qu'aérodynamique, dans lequel
les observateurs pourraient bientôt travailler avec une efficacité parfaite.
Il propose fin 1914 un ballon conçu sur un principe différent de celui du type H.

Pour gagner de l'altitude et stabiliser sa position, un ballon captif doit être incliné sur la direction de l'écoulement du vent.
 
Différence par rapport au type H : - résistance de la carène diminuée - stabilité par un gouvernail - ailerons verticaux supprimés - 800m3

Les six premiers ballons sont construits en janvier, aux ateliers de Chalais Meudon, mois pendant lequel 14.000 mètres carrés d'étoffe caoutchoutée sont utilisés.

Fin Avril 1915, Caquot est à Chalais Meudon et la première ascension avec le ballon L a lieu. Mais une ascension de comparaison doit être faite entre le H et le L pour juger de la valeur des deux ballons : sans vent ou par faible vent les 2 ballons sont comparables.

Mais par vent fort, le type L exerce sur la nacelle une traction plus faible rendant l’observation dans la nacelle moins fatigante. L'utilisation indispensable de puissants instruments d'optique, l'usage de la photographie imposent une totale stabilité sans vibrations. De plus avec une même longueur de câble déroulé, il atteint une hauteur plus importante.

Les mesures effectuées avec le ballon L montrent une résistance aérodynamique très satisfaisante. Au vu de cette ascension, le Général Hirschauer affecte Caquot à Chalais Meudon : « Je fus immédiatement adopté par l’équipe de l’arsenal qui me permit de travailler d’une façon complètement indépendante avec de nouveaux moyens »
 
Malheureusement, les décisions antérieures sont maintenues et la construction du modèle H est donc continuée, ce qui oblige les observateurs français à utiliser pendant plus de 6 mois des ballons d'un type périmé.
En parallèle, Juchmès, ancien pilote du Lebaudy, avait peu avant 1914, réalisé un parachute qu'il destinait aux dirigeables. Mobilisé à Chalais-Meudon comme lieutenant, il n'a qu'à perfectionner son matériel avec le capitaine Letourneur, en ajoutant une ceinture-harnais et un sac. La construction en série peut être déclenchée.
 
Ballon M ou « Ballon Caquot »

Etudié par Caquot en 1915, la fabrication du ballon est entreprise dès le début 1916. Sa forme générale provient du type L.

Son volume est augmenté et passe de 800m3 à 900m3. La carène est conservée intégralement, ainsi que tous ses accessoires : ballonnet, ralingues, soupapes.

La modification essentielle concerne les empennages.
Ils sont formés de 3 lobes identiques, triangulés intérieurement pour leur assurer, lorsqu’ils sont gonflés par le vent, une rigidité complète.
De la sorte, le ballon s’oriente et s’immobilise dans le vent.
 
Par vent favorable, il peut atteindre une altitude proche de 1.500 m et supporte pour l’observation courante des vitesses supérieures à 20m/s avec moins de fatigue pour l’observateur. L’appellation « saucisse » lui est bientôt réservée.
 
L’enveloppe est fabriquée à partir d’étoffes de coton caoutchoutées et peintes en jaune. Un filet de sangles à larges mailles destiné à faciliter le campement est collé sur la partie supérieure du ballon.

Avec l’arrivée du « ballon Caquot », la supériorité de l’aérostation française sur l’aérostation allemande est assurée dès juillet 1916. Grâce à ce matériel, les observateurs sont capables d'exécuter un travail remarquable.

En novembre 1915, les ateliers de Chalais ont reçu 53.000 mètres d'étoffes caoutchoutées et le 31 décembre, 112 enveloppes sont construites depuis le début des hostilités.

En mars 1916, l'aérostation consomme 70.000 mètres carrés d'étoffe caoutchoutée; 393 ballons sont construits en 1917. En janvier 1917, 150.000 mètres carrés de tissu sont utilisés pour atteindre 450.000 en août 1918.

En 1917, les ateliers de Chalais-Meudon fabriquent 741 ballons d’observation. Beaucoup étaient détruits au front par suite des incessantes attaques des avions ennemis.
   
Ballon de type N      En avril 1917, des ballons pour la protection des villes ou des points stratégiques sont fabriqués.
 

Arrimage d'un ballon M. Les empennages sont presque complètement gonflé par le vent.
Ballon de type P

L'Amirauté Anglaise décide, après la bataille navale du Jutland (mai 1916), l'utilisation du ballon captif sur chacun de ses navires de guerre.

La marine anglaise essaye le ballon Caquot sur ses navires escorteurs pour le réglage de tir et sur des dragueurs de mines pour la recherche de sous-marins. Il élabore en mars 1917 un ballon plus adapté avec un volume un peu plus faible : le ballon de type P de 820m3 vient de voir le jour.

La nacelle, destinée à de très longues heures d'observation continue, est carénée, doublée de toile imperméable et munie d'un pare-brise. Les parachutes sont logés dans le carénage. Un double raccordement assure le remplissage du ballonnet et des empennages.

L'enveloppe porte une longue manche de renflement pour lui amener l'hydrogène depuis le pont du bateau. Une longue échelle de corde permet de changer les observateurs à la mer sans amener la nacelle sur le navire.
 
Mais un nouveau problème se pose : l’interférence de la houle et des rafales peut entraîner la rupture du câble. De plus, le ballon ne disposant d'aucun abri, doit rester à son poste pendant des mois, la liaison doit être permanente. D’où, l’invention du treuil à tension constante : le câble se déroule dans un treuil puissant et revient à sa position normale après un tangage brutal.
 
Ballon de type R
Ballon plus grand de 1000m3. Il ressemble au ballon de type M. Peut s’élever jusqu’à 1000 m et emporter 2 à 3 observateurs répartis dans 2 nacelles. L’enveloppe est fabriquée à partir de d’étoffes de coton caoutchoutées. Un filet à mailles est collé sur la partie supérieure du ballon afin de faciliter les manoeuvres du campement.
 
 
Durant la guerre, il a été construit près de 4 200 ballons captifs : 1700 ballons d’observation et 2500 ballons de barrage.

Il a fallu 127.000 mètres carrés d'étoffe gommée en janvier 1917, 150.000 à partir de juillet. Le nombre des ballons construits mensuellement est de 20 en janvier.
Les enveloppes de ballons captifs avaient été confectionnées dans des maisons civiles puis passaient à Chalais pour la vérification, la pose des accessoires : filets de campement, commande automatique de la soupape, etc..., et le montage de la corderie. L'activité des ateliers était absorbée par les études, la confection des prototypes, par la confection d'enveloppes de dirigeables destinés à la marine, par le contrôle des matières premières et la préparation des accessoires à poser sur les enveloppes.