Lorsque la France eut reconstituer son parc de ballons, elle eut le même souci que les Allemands de faire de cette arme un auxiliaire de l'artillerie et tout naturellement de choisir les observateurs parmi les artilleurs.
 
Le recrutement des observateurs est très difficile. L’utilisation du ballon est nouvelle et il faut presque l’imposer à l’artillerie, en incitant les sous-lieutenants sortant de l'école d'artillerie de Fontainebleau à venir à l'école d'observation, mais les résultats sont décevants.

Dès qu’ils montent en nacelle une ou deux fois par mauvais temps, ils demandent aussitôt à réintégrer l'artillerie.

Un artilleur sait évidemment effectuer un réglage de tir, mais en tant qu'observateur en ballon il se trouve devant bien d'autres soucis que d'avoir à regarder l'arrivée d'un obus sur un objectif.

     
Vouloir placer dans une nacelle un homme qui ne possède aucune connaissance spéciale sur le matériel et sur les lois du « plus léger » que l'air, est une erreur monumentale qui est d'ailleurs vite reconnue. Le recrutement d'observateurs à l'école d'artillerie de Fontainebleau cesse.
 
Ayant compris l'urgence qu'il y a à former des observateurs qualifiés, le capitaine Saconney, dès le début de 1915, fait appel à des volontaires quels qu'ils soient. Ce premier centre d'instruction est en réalité plus un lieu d'entraînement, car aucune méthode d'observation n'existe sur le plan technique.

A l'initiative du capitaine Saconney, une école beaucoup plus structurée, installée dans le camp de Chalons, verra le jour. Au printemps 1915, les méthodes se perfectionnent. Le capitaine Fauré, du ballon 39, en dehors de son service de guerre, a pour mission d’instruire les élèves-observateurs. C’est l'école de Saint-Pol qui forme également des manoeuvriers.

Mais les ballonniers seront appelés en renfort lors de l'offensive d'Artois. L'école de Saint-Pol, premier centre d'idées, premier centre de coordination des méthodes de travail, devra fermer. Le général de Langle de Cary, le 13 septembre 1915, note « Les qualités intellectuelles d'un observateur sont d'un ordre spécial; elles relèvent plus des aptitudes artistiques que des aptitudes militaires. »

L'instruction méthodique n’est reprise qu'en décembre 1915. La nécessité d'une formation centralisée n’est pourtant pas encore mise en évidence.
   
Une école d'aérostation est organisée dans chacun des groupes d'armées. Le capitaine Delassus dirige celle du nord à Cramont (Somme) ; le commandant Saconney, au centre, organise celle d'Aubigny-sur-Aube et le capitaine Nuiran crée celle de l'Est, à Toul. C'est beaucoup mieux qu'à Saint-Pol : conférences et travaux en salle pour l'instruction théorique et, pour l'instruction pratique, observations et réglages de tir par marrons à lueurs sur fausses batteries. C'est une organisation déjà très poussée, qui permet de sélectionner et de mieux former les nouvelles compagnies, dont l'arrivée s'accélère. On veut des ballons sur tous les fronts.
46éme compagnie aérostier, Fond de Champagne. Spécialistes cordiers et tailleurs réparent le ballon à Vadenay automne 1915
   
Les premiers observateurs recrutés sont surtout des dessinateurs, des géomètres, des architectes, en grande majorité réservistes et entraînés, par métier, à la perspective.

En effet, les cours de perspective et tous les calculs qui en dérivent, ont une place de choix de même que ceux propres aux tirs de l'artillerie. Puis viennent les problèmes de math, de trigo, de dessin, de physique des gaz, de conduite des aérostats, du matériel, de la météo, etc...

De plus, la tenue en nacelle par mauvais temps fait aussi partie de l’examen éliminatoire à l'école de Vadenay.
   
Les Observateurs en Ballon doivent être des hommes solides. La sélection est dure. Ils doivent rester plongés des journées entières dans une solitude totale, luttant sans le dire contre le froid ou le vent cinglant, dont ils ne peuvent même pas tenter de se protéger.

Les problèmes de la vue, particulièrement par vent froid provoquant des larmes, sont eux aussi d'une importance capitale. Les apprentis-observateurs passent par trois étapes : un stage d'essai d'un ou deux mois dans une compagnie d'aérostiers, puis un stage d'instruction de vingt-cinq jours dans une école, enfin un stage probatoire, de durée variable, dans une compagnie du front

Durant ce stage, ils doivent faire ascension un jour de brume, un jour de la pluie, monter plusieurs jours consécutifs et prolonger leur observation de l'aube au coucher du soleil. Beaucoup se découragent, demandent et obtiennent leur renvoi à leur arme d'origine.
     
Un observateur qui reçoit son brevet a traversé avec succès cette étape redoutable de sa formation. Dans le même laps de temps, il doit avoir acquis une instruction militaire assez large : des notions de tactique, puisqu'il est appelé à suivre les phases successives du combat d'infanterie; des notions d'artillerie.
 
Très rapidement, les cours, organisés sur le mode de ceux professés à l'école d'Aubigny, sont suffisamment complets pour être maintenus sans changement jusqu'à l'armistice.
Jusqu'à la fin de la guerre, l'une des sources de recrutement les plus importantes d'observateurs est l’Ecole des Beaux-Arts, et particulièrement sa classe d'architecture. A Saint Pol et Aubigny, à la fin des épreuves éliminatoires, il y a un grand nombre « d’artistes ».
Sur le recrutement des observateurs, un rapporteur de l'école d'Aubigny s'exprime en ces termes "L'observateur qui est doué, saisit inconsciemment les détails des objets placés devant ses yeux; il les enregistre dans son esprit et est apte à les reproduire facilement et exactement, longtemps même après que ces objets ont disparu. Cette mémoire des yeux crée d'abord l'aptitude particulière à découvrir et à identifier immédiatement les objets qui l'intéressent, au milieu d'une foule d'autres et à les voir en entier et dans leurs justes proportions, même s'ils sont partiellement masqués ou s'ils se présentent avec des déformations apparentes."

Le service des ballons captifs était ignoré dans la Marine avant la guerre. L’administration maritime se rend compte de leurs intérêts en 1916 : surveillance des évolutions de l’adversaire, détection des champs de mines, surveillance ses sous-marins….
 
Le personnel d’observation et d’entretien est formé dans deux écoles : pour la Marine à Corfou et pour les observateurs à Brest. Les observateurs reçoivent aussi une formation élémentaire de pilotage de ballon libre afin de pouvoir rejoindre une côte ou un navire en cas de rupture de câble. Cette excellente formation est donnée à l’Ecole de Ballon libre de Rochefort, fonctionnant au Centre d'Aérostation maritime.
 
Un observateur utile sait inspirer la confiance surtout quand il s'agit de la vie ou de la mort des soldats
 
 
Groupe des officiers - Période d'instruction